La Réglementation climatique: textes pertinents pour les banques en Suisse

La Suisse a ratifié l’Accord de Paris sur le climat et édicté diverses réglementations pour le mettre en œuvre. La loi fédérale sur les objectifs en matière de protection du climat, sur l’innovation et sur le renforcement de la sécurité énergétique (LCI), la loi sur le CO2 (dont le Parlement a finalisé au printemps 2024 une révision pour la période postérieure à 2024) ainsi que l’ordonnance relative au rapport sur les questions climatiques concernent particulièrement l’économie. Ces trois textes, tous en vigueur, sont convergents et constituent ensemble le cadre juridique de la réglementation climatique commune à l’économie suisse.

Accord de Paris sur le climat

L’Accord de Paris est un instrument contraignant adopté sous l’égide de la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC) et entré en vigueur le 5 octobre 2016. La Suisse l’a ratifié le 6 octobre 2017. Elle s’est engagée ainsi à poursuivre l’objectif de réduire ses émissions de 50 % par rapport à 1990 d’ici à 2030. Elle a annoncé en outre vouloir atteindre zéro émission nette de gaz à effet de serre d’ici à 2050. En d’autres termes, la Suisse n’émettra pas plus de gaz à effet de serre que les puits de carbone naturels (p. ex. les forêts) ou les systèmes techniques (p. ex. les technologies de captage du carbone) ne peuvent en absorber. Ses engagements internationaux sont concrétisés principalement dans la loi sur le CO2.

Pour la place financière, c’est avant tout l’article 2.1c de l’Accord de Paris qui est pertinent, en vertu duquel les flux financiers doivent être rendus compatibles avec les objectifs mondiaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les mesures concrètes en résultant sont encore en cours d’élaboration sous la notion de «finance climat» (climate finance).

Loi fédérale sur les objectifs en matière de protection du climat, sur l’innovation et sur le renforcement de la sécurité énergétique (LCI)

Le 18 juin 2023, les électrices et les électeurs suisses ont approuvé la loi fédérale sur les objectifs en matière de protection du climat, sur l’innovation et sur le renforcement de la sécurité énergétique (contre-projet indirect à l’initiative pour les glaciers). Celle-ci dispose que la Suisse doit atteindre la neutralité climatique (bilan carbone ramené à zéro) d’ici à 2050.

La nouvelle loi fixe des objectifs et des objectifs intermédiaires en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et vise à ce que les capitaux soient investis de manière plus respectueuse du climat. Les obligations y afférentes concernent aussi la place financière. La Confédération peut conclure des accords avec des banques, des entreprises d’assurance et des caisses de pension afin de définir des objectifs et des mesures concrets.

Loi sur le CO2

La loi fédérale sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre (loi sur le CO2) s’appuie sur les articles 74 et 89 de la Constitution fédérale. En vertu de ces articles, la Confédération «légifère sur la protection de l’être humain et de son environnement naturel contre les atteintes nuisibles ou incommodantes» (art. 74) ainsi que sur «la consommation d’énergie des installations, des véhicules et des appareils» (art. 89). La loi révisée sur le CO2 pour la période postérieure à 2024 entend contribuer à ce que la Suisse puisse atteindre son objectif de zéro émission nette d’ici à 2050 et assurer son approvisionnement énergétique. Concrètement, il s’agit de prendre des mesures en vue d’atteindre les objectifs fixés dans la LCI. La nouvelle loi sur le CO2 a été adoptée par les Chambres fédérales lors de la session de printemps 2024.

Ordonnance relative au rapport sur les questions climatiques

Cette ordonnance détermine les modalités applicables à l’établissement, par les entreprises visées à l’article 964a du Code des obligations (CO), du rapport destiné à rendre compte des questions climatiques. Celles-ci font partie intégrante des questions environnementales relevant des questions non financières énoncées à l’article 964b CO. Elles englobent à la fois l’impact du changement climatique sur les entreprises et l’impact de l’activité des entreprises sur le changement climatique («double matérialité»).

L’ordonnance relative au rapport sur les questions climatiques, entrée en vigueur le 1er janvier 2024, s’appuie sur les recommandations de la Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD). Elle dispose que le rapport sur les questions climatiques doit aborder notamment la mise en œuvre des recommandations dans quatre domaines: gouvernance, stratégie, gestion des risques, indicateurs et objectifs. La mise en œuvre des recommandations comprend notamment un plan de transition comparable aux objectifs climatiques de la Suisse. L’accent est donc mis en particulier sur les objectifs et les dispositions de la LCI et de la loi révisée sur le CO2 résultant de l’Accord de Paris.

En vertu de cette ordonnance, les banques suisses sont tenues depuis cette année de publier des plans de transition qui s’appuient sur les recommandations de la TCFD et qui soient conformes aux objectifs de l’Accord de Paris ainsi qu’aux prescriptions du droit suisse qui les concrétisent. Les premières publications auront lieu en 2025. Au-delà de la norme internationale, elles intègreront la double matérialité. Les dispositions de l’ordonnance ne sont pas spécifiques au marché financier, de sorte qu’elles s’appliquent globalement à l’ensemble de l’économie (grandes entreprises suisses). Bien qu’elles ne mentionnent «que» l’obligation de rendre compte des questions climatiques dans un rapport, il est primordial que l’activité des entreprises soit axée sur les objectifs climatiques de la Confédération, puisque c’est indispensable pour que le plan de transition soit conforme aux objectifs climatiques.

Aux termes de l’article 964c, al. 1 CO, «[l]e rapport sur les questions non financières doit être approuvé et signé par l’organe suprême de direction ou d’administration, et approuvé par l’organe compétent pour l’approbation des comptes annuels.» Un rapport non conforme aux exigences légales peut donc exposer le conseil d’administration de l’entreprise concernée à des risques de responsabilité et de réputation. Les dispositions des articles 964a, 964b et 964l CO sont essentielles à cet égard: le fait de fournir des informations erronées ou d’omettre de fournir des informations intentionnellement ou par négligence, ainsi que le non-respect des obligations de conservation et de documentation, sont passibles de sanctions pénales. Toutefois, l’entreprise est réputée s’être acquittée de son obligation de rendre compte des questions climatiques dès lors qu’elle a établi un rapport conforme aux recommandations de la TCFD. Elle peut en outre s’acquitter autrement de cette obligation (art. 2, al. 2 de l’ordonnance).