Les taux d’intérêt négatifs ne sont pas un cadeau de Noël
Social Bookmarks
Depuis la publication de l’étude de l’Association suisse des banquiers (ASB) sur les taux d’intérêt négatifs, quasiment pas un jour ne se passe sans que de nouvelles prises de position viennent nourrir le débat. Ce dernier, de fait, est nécessaire. Au bout de cinq ans, il est important que la population et les acteurs économiques puissent se faire une idée aussi précise que possible des causes et des conséquences des taux d’intérêt négatifs.
De nombreux effets secondaires
Les taux d’intérêt négatifs ont de nombreux impacts défavorables sur l’économie: citons à cet égard l’inflation des actifs, la pénurie de placements dans les institutions de prévoyance, les incitations à l’endettement, l’excès d’épargne en dépit de taux réels négatifs, les effets redistributifs des épargnants vers les débiteurs et du secteur financier vers le secteur exportateur. Ces inconvénients se renforcent au fil du temps, alors que les avantages ne cessent de s’étioler.
La presse regorge d’informations factuelles ou explicatives sur ce thème. Tous les arguments ne sont pas bons à prendre. Par exemple, on a pu lire récemment dans la Sonntagszeitung, sur la base de sources officieuses, que «les banques [avaient] quand même fortement accru leur marge de crédit au cours des dernières années». Cette affirmation méconnaît le fait que les banques opèrent dans un contexte de concurrence acharnée. Toute dégradation des conditions de crédit accordées aux clients ne manquerait pas d’expulser du marché la banque concernée, dans la mesure notamment où un clic suffit désormais pour comparer les offres avant de souscrire une hypothèque.
Recul préoccupant de la marge d’intérêts
Depuis l’introduction des taux d’intérêt négatifs, le résultat des opérations d’intérêts des banques ne cesse de régresser malgré un volume hypothécaire en hausse. En outre, les risques de variation des taux se sont accrus. Les taux d’intérêt négatifs, loin d’être un cadeau de Noël pour les banques, pèsent donc de tout leur poids sur les opérations d’intérêts.
Par ailleurs, dans son dernier rapport sur la stabilité financière, la BNS note une érosion ininterrompue de la marge d’intérêts sur les dernières années: depuis 2007, point culminant de la crise financière, la baisse frôle les 40 % – et cette tendance se poursuit.
La persistance des taux d’intérêt négatifs entraîne aussi une baisse des produits d’intérêts issus des portefeuilles de crédit des banques, car les nouvelles affaires se concluent à des taux plus bas que les anciennes. Cela oblige les banques à répercuter de plus en plus les taux d’intérêt négatifs sur les clients – une évolution qui suscite la grogne des unes comme des autres, mais qui est une conséquence directe du contexte macroéconomique.
La marge d’intérêts couvre non seulement les coûts supportés par les banques au titre de l’octroi de crédit, mais aussi la prime de risque, par exemple en cas de variation des taux d’intérêt. Afin d’atteindre une marge nette positive, les banques n’ont eu d’autre choix ces dernières années que de miser sur des portefeuilles de crédit diversifiés et sur des processus plus efficients.
Vigilance des autorités
En Suisse (mais pas seulement), le recul des marges d’intérêts est si substantiel que les autorités ont exprimé des inquiétudes quant à l’efficacité de la politique monétaire et à la stabilité financière. Dans son dernier monitorage des risques, la FINMA indique que les taux d’intérêt négatifs constituent le risque majeur. Quant au Conseil fédéral, il ne perd pas de vue les questions de politique économique et monétaire. Il a annoncé qu’en cas de nécessité et dans le cadre de sa capacité d’action, il prendrait sans tarder les mesures économiques qui s’imposent.
Dès à présent, s’agissant de la politique monétaire, on note que la nouvelle culture du débat permet une meilleure appréhension des enjeux économiques globaux et contribue ainsi grandement à l’amélioration des conditions-cadres. En cela, l’étude de l’ASB a atteint un objectif important.