Objectifs stratégiques de la FINMA: cap sur l’innovation
Social Bookmarks
L’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) a publié en fin d’année dernière ses objectifs stratégiques pour la période 2021-2024. Approuvés par le Conseil fédéral, ceux-ci mettent en lumière les sujets auxquels la FINMA se consacrera en priorité.
Davantage de transparence grâce à un axe de travail réglementaire
La FINMA a défini dix objectifs stratégiques. Si deux d’entre eux sont des objectifs opérationnels (utilisation parcimonieuse des ressources et développement professionnel du personnel), huit portent sur la protection des clients et le bon fonctionnement des marchés. Ces objectifs clarifient la manière dont la FINMA entend accomplir son mandat légal ainsi que ses priorités à cet effet. Ils influeront dès lors sur la direction que prendra l’évolution de la place financière dans son ensemble.
Selon la FINMA, une solide capitalisation et des liquidités suffisantes restent le fondement de la stabilité. Comme précédemment, la problématique du too big to fail fait l’objet d’une attention particulière. Une approche prospective des risques, mais aussi des contrôles et des contrepoids efficaces au sein de l’organisation, sont les garants d’une stabilité durable.
Veiller au respect irréprochable des règles de conduite permettra d’atténuer les risques de réputation pour la branche, la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme jouant à cet égard un rôle central. Par ailleurs, la réglementation devra tenir compte des risques inhérents au changement structurel et, autant que possible, être équivalente aux normes internationales.
Place financière suisse: durabilité et innovation en ligne de mire
Pour la première fois, la FINMA intègre les risques financiers liés au climat dans son activité de surveillance. Elle justifie cela par le fait que cette dimension de la durabilité est à la fois la plus importante et la mieux mesurable. Une publication uniforme par tous les établissements financiers assurera une plus grande transparence en ce qui concerne les risques de transition et les risques physiques liés au climat.
Le soutien à l’innovation sur la place financière suisse constitue également un objectif notable. Alors que la FINMA se contentait auparavant de chercher à éliminer les obstacles, elle entend désormais soutenir l’innovation selon une approche prospective, en accompagnant de manière proactive les dernières évolutions technologiques sur le marché financier. C’est ainsi qu’elle développe une pratique de surveillance en matière d’intelligence artificielle. Cela s’inscrit dans la droite ligne de la démarche tournée vers l’avenir qui est celle du Conseil fédéral depuis des années.
Les BigTech, sources de nouveaux risques
S’agissant de l’innovation, le point sensible est la question de la surveillance prospective dans le domaine numérique. En effet, depuis quelques années, les entreprises technologiques innovantes jouent un rôle de plus en plus important dans le système financier et métamorphosent le secteur. En l’état actuel des choses, la réglementation et la surveillance n’intègrent pas suffisamment les nouveaux risques inhérents à cette évolution. C’est pourquoi les autorités de surveillance du monde entier se penchent sur ce sujet et repensent les principes existants en matière de réglementation.
L’UE vient de publier un plan qui prévoit, en cas de non-respect des dispositions par les BigTech, des amendes pouvant aller jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires, voire jusqu’à la cession de certaines activités. Le fait que la FINMA reconnaisse l’urgence de cet enjeu et fasse preuve d’ouverture mérite d’être salué. Mais quelle serait une pratique «uniforme, transparente et efficace» en matière de réglementation et de surveillance des modèles d’affaires numériques?
«Same risk, same rules»
A y regarder de plus près, la réglementation des établissements individuels a pour effet que certains services bancaires, comme les dépôts auprès d’entreprises technologiques en mode innovant (portefeuille électronique), passent entre les mailles du filet de la surveillance actuelle. Cela peut générer des risques pour les clientes et les clients mais aussi, dans le pire des cas, pour la stabilité du système tout entier.
Les modèles d’affaires des entreprises technologiques se traduisent souvent par un partage de certains services financiers entre divers opérateurs. Une telle désintermédiation pose d’épineuses questions: lorsque le processus d’octroi de crédit est mené à bien non pas par un seul et unique établissement, mais par cinq entreprises différentes, comment réglementer avec pertinence?
La maxime «same risk, same rules» vient à l’esprit sans tarder, de même que le principe de neutralité sur le plan de la concurrence et de la technologie, mais les modalités concrètes d’application restent floues. Les évolutions en cours laissent présager des règles basées sur les risques pour les produits et les services. L’égalité de traitement entre banques et non-banques sur un marché implique en effet que les règles, jusqu’à un certain point, soient indépendantes du prestataire.
Le Conseil fédéral souhaite lui aussi un contrôle du cadre réglementaire en place dans le secteur financier avec, concrètement, l’examen de la possibilité de prévoir des licences modulaires. Dans son rapport sur la place financière suisse de décembre 2020, il annonce que le DFF étudiera avec l’aide de la FINMA si une plus grande modularité des types d’autorisation permettrait d’améliorer la collaboration entre les acteurs du marché financier non soumis jusqu’ici à la réglementation de la FINMA et les autres acteurs.
«Innovation is king»
Si l’exigence de sécurité et d’égalité de traitement semble aller de soi, la mise en œuvre précise d’une telle réglementation devrait s’avérer complexe et soulever des questions difficiles. Que la FINMA s’empare de ce sujet, c’est indispensable, d’autant plus que l’évolution est fulgurante.
L’objectif doit être d’assurer la protection des consommatrices et des consommateurs ainsi que celle du système dans son ensemble, tout en permettant d’exploiter pleinement les avantages de l’innovation. C’est une lourde tâche pour la FINMA, mais elle est importante: l’innovation renforce en effet, dans la stabilité, la compétitivité et le potentiel d’avenir de la place financière suisse.