Initiative FASTER: l’UE innove en matière fiscale
A la mi-mai, le Conseil de l’Union européenne (UE) est parvenu à un accord sur un projet de modernisation fiscale pour le marché européen des capitaux. Une fois ce projet mis en œuvre, les actions et les obligations émises dans les Etats membres de l’UE gagneront en attractivité pour les investisseuses et les investisseurs. La Suisse serait bien inspirée de réfléchir elle aussi à une modernisation de l’impôt anticipé, sous peine que son marché des capitaux se fasse distancer par celui de l’UE.
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A l’heure actuelle, dans le cadre des investissements transfrontaliers, de nombreux Etats membres de l’UE procèdent à des retenues à la source sur les dividendes (d’actions) et les intérêts (d’obligations) versés aux investisseuses et aux investisseurs à l’étranger. En parallèle, ces derniers sont taxés au titre de l’impôt sur le revenu dans leurs pays de résidence respectifs. Afin d’éviter une double imposition, il faut un dégrèvement et/ou une possibilité de remboursement.
Les Etats membres de l’UE ont certes conclu des accords visant à remédier au problème de la double imposition mais, dans les faits, les procédures de demande de dégrèvement de la retenue fiscale à la source varient fortement de l’un à l’autre. Il en résulte des démarches longues, coûteuses et fastidieuses, que les autorités fiscales de l’UE considèrent de surcroît comme propices à la fraude fiscale. L’initiative européenne dite FASTER en matière de retenue à la source vise à accélérer et à simplifier les procédures de dégrèvement tout en les rendant plus sûres.
Un projet de directive européenne sur les rails
Le 14 mai 2024, le Conseil de l’UE est parvenu à un accord sur un projet de directive. Ce dernier instaure un certificat numérique de résidence fiscale commun à tous les Etats membres de l’UE, que les investisseuses et les investisseurs assujettis à la retenue à la source pourraient utiliser pour bénéficier des nouvelles procédures accélérées de dégrèvement. Les Etats membres de l’UE mettront en place à cet effet des procédures automatisées, qui seront aisément accessibles grâce aux nouveaux certificats numériques. Le projet de directive prévoit en outre des obligations d’information standardisées pour les intermédiaires financiers comme les banques et les plateformes d’investissement, afin de faciliter la détection par les autorités nationales d’éventuels cas d’évasion ou de fraude fiscale. Les modalités de mise en œuvre de ces obligations restent à définir. Elles pourraient générer non pas une simplification, mais un accroissement notable des tâches administratives pour les intermédiaires financiers. Le nouveau système sera applicable à partir du 1er janvier 2030.
Des défis pour la Suisse
En quoi la Suisse sera-t-elle impactée? Elle risque de se faire distancer par l’UE. Notre pays applique lui aussi une retenue à la source élevée sur l’ensemble des dividendes et des intérêts, à savoir l’impôt anticipé, dont les investisseuses et les investisseurs étrangers doivent demander le remboursement auprès des autorités suisses. C’est une procédure complexe sur le plan administratif, dans la mesure où elle n’est guère informatisée et où elle s’effectue manuellement, au moyen de formulaires assortis d’attestations écrites des autorités étrangères concernées. Le remboursement est souvent long à obtenir, ce qui pèse sur les liquidités des investisseuses et des investisseurs. Pendant la procédure, qui peut prendre un à deux ans, les fonds restent entre les mains des autorités suisses et ne sont pas rémunérés. Dès lors, si l’UE instaure dorénavant des modalités de remboursement plus rapides et plus simples que celles de la Suisse, ses marchés des capitaux gagneront en attractivité par rapport au nôtre.
La Suisse serait donc bien inspirée de réfléchir à une stratégie de modernisation du remboursement de l’impôt anticipé aux investisseuses et aux investisseurs étrangers. Nous vous invitons à lire à ce sujet l’article intitulé «L’impôt anticipé: un mammouth de la plus belle espèce!»