Imposition minimale de l’OCDE: de la realpolitik, c’est tout!
L’électorat suisse a dit clairement «oui» à l’imposition minimale de l’OCDE, se prononçant à juste titre en faveur de la sécurité juridique et d’une place économique suisse attrayante. Les travaux en vue d’une mise en œuvre réussie de la réforme fiscale ne font toutefois que commencer. Il appartient désormais à la Confédération et aux cantons, avec le soutien des milieux économiques, de minimiser au mieux l’effet de l’imposition minimale sur les entreprises.
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Un «oui» clair et net: un succès pour l’économie et pour le pays
Qui aurait pensé, il y a trois ou quatre ans, que la Suisse relèverait les taux d’imposition des entreprises – et ce avec l’accord des premières intéressées et à peine cinq ans après les avoir réduits? En réalité, personne... Mais le 18 juin, les électrices et les électeurs de notre pays ont fait preuve d’un pragmatisme bien suisse en disant «oui» à l’imposition minimale de l’OCDE. Le Conseil fédéral est ainsi habilité à mettre en œuvre l’ordonnance y relative au 1er janvier 2024, qui prévoit d’appliquer, en Suisse également, un taux minimal de 15% sur le bénéfice des groupes multinationaux dont le chiffre d’affaires annuel dépasse EUR 750 millions.
Formellement, le Conseil fédéral tranchera dans le courant de l’année sur l’entrée en vigueur. Celle-ci nécessite en effet une «masse critique» d’Etats qui appliquent également l’imposition minimale de l’OCDE. Selon le Conseil fédéral, ce sont principalement les Etats membres de l’Union européenne (UE) qui constituent cette masse critique. Tout porte à croire que l’UE mettra la réforme en œuvre et le Conseil fédéral a précisé qu’il calera son calendrier sur celui de l’UE. Certes, on ignore encore si les Etats-Unis se rallieront à l’imposition minimale de l’OCDE et dans quelle mesure celle-ci sera compatible avec leur droit interne, mais cela ne devrait pas empêcher l’entrée en vigueur de la réforme.
Et maintenant?
Les travaux à venir s’effectueront aux niveaux international et national. Au niveau international, la conception de la réforme n’est pas encore tout à fait achevée. Si un modèle de règles (GloBE Model Rules), un commentaire et des instructions administratives (Administrative Guidance) ont été publiés, de nombreuses questions restent à résoudre ou ne se poseront qu’au stade de l’application de la loi. De nouvelles instructions administratives sont à prévoir à cet égard. Pour sa part, l’OCDE a déjà fait savoir qu’elle souhaitait se retirer progressivement du projet pour se consacrer à d’autres priorités.
Au niveau national, le Conseil fédéral a ouvert la deuxième consultation relative à l’ordonnance sur l’imposition minimale lors de sa séance du 24 mai 2023. Cette consultation prendra fin le 14 septembre 2023. A ce stade, on retiendra ce qui suit:
- Guichet unique: en ce qui concerne la perception de l’impôt complémentaire, le Conseil fédéral prévoit de créer un guichet unique: l’entité constitutive la plus importante sur le plan économique d’un groupe d’entreprises devra payer l’impôt dans le canton dans lequel elle a son siège pour toutes les entités constitutives du groupe qui ont leur siège en Suisse. Ce canton versera sa part aux recettes de l’impôt complémentaire à la Confédération et aux cantons qui abritent les autres entités constitutives du groupe. Cette solution répond à une préoccupation exprimée notamment par l’ASB dans le cadre de la première consultation relative à l’ordonnance .
- Procédure de taxation mixte: l’impôt complémentaire sera perçu par les cantons dans le cadre d’une procédure de taxation mixte, ce qui est également positif à nos yeux et conforme à nos attentes. Les entreprises concernées devront certes remettre une déclaration d’impôt complémentaire, mais la taxation par les autorités assurera une sécurité juridique accrue pour les groupes – notamment parce que les éventuelles prétentions d’autres Etats seront en principe exclues.
Un nouveau grand chantier s’ouvre à présent au niveau national: le Conseil fédéral devra soumettre une loi ordinaire au Parlement dans un délai de six ans à compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance. Cette loi devrait s’articuler autour des éléments principaux suivants:
- Mesures d’harmonisation: le grand défi en ce qui concerne l’imposition minimale réside dans les différences de calcul de l’impôt selon que l’on se base sur le droit suisse existant ou sur les règles de l’OCDE. Ces différences peuvent entraîner une surimposition involontaire dans de nombreuses situations, notamment en relation avec les participations qualifiées. La loi devra donc prévoir des mesures d’harmonisation appropriées, afin d’éviter toute surimposition.
- Mesures compensatoires pour l’économie: selon la brochure des explications de vote, les recettes provenant de l’impôt complémentaire pourront servir à renforcer l’attrait de la place économique là où il diminue en raison d’une charge fiscale accrue. Cela devrait donner lieu à de vives controverses politiques.
Tous ces éléments seront décisifs pour garantir la sécurité juridique dans notre pays et rendre la place économique suisse plus attrayante. L’ASB continuera de faire entendre sa voix de manière constructive, mais aussi critique.