Opinions
23.06.2020

Coronavirus et place financière: l’accélération de la numérisation en six tendances

Lors de la pandémie de coronavirus, le passage des banques en mode «crise» s’est fait sans difficulté et les clients ont manifesté une très forte adhésion aux services numériques. La numérisation revêt une importance stratégique et la crise liée au coronavirus fait office de révélateur à cet égard, note Martin Hess, de l’Association suisse des banquiers (ASB)
Article deMartin Hess

Pas moyen d’échapper à ce constat omniprésent: si la crise liée au coronavirus a eu un effet positif, c’est le coup d’accélérateur donné à la numérisation de l’économie. Les modèles d’affaires numériques ont connu dans certains cas un développement marqué et, pour les entreprises disposant de processus axés sur le numérique, le passage en mode «crise» a été plus facile et plus sûr.

Un test de résistance réussi grâce au numérique

Cela vaut aussi pour les banques. Certes, dans l’opinion publique, celles-ci sont parfois perçues comme passives, lentes et peu innovantes. Mais le lockdown leur a donné l’occasion de prouver qu’elles savaient réagir à l’inattendu avec rapidité et flexibilité. Personne n’avait dans ses tiroirs un plan bien ficelé à appliquer en pareilles circonstances. Pourtant, les banques ont réussi en un temps record à faire passer leurs structures et leurs processus en mode «crise» – tout en préservant à tout moment la qualité des prestations de service fournies à leurs clients.

Sans le numérique, alors qu’elles fonctionnaient en télétravail, les banques n’auraient pas pu créer en quelques jours un système capable de traiter quotidiennement jusqu’à 12 000 demandes de crédit déposées par les PME. Elles n’auraient pas pu non plus améliorer jour après jour le processus de demande comme elles l’ont fait, y compris en recourant à des robots logiciels pour automatiser et ainsi accélérer le traitement des dossiers.

Des tendances irréversibles menant à une «nouvelle normalité»

Si ces exemples illustrent la capacité d’innovation des banques, ils révèlent aussi le potentiel inhérent à la numérisation. Sans nul doute, la crise liée au coronavirus débouchera sur une «nouvelle normalité» en matière financière: dans un document de réflexion publié aujourd’hui, l’Association suisse des banquiers (ASB) dégage six tendances irréversibles qui marqueront de leur empreinte la place financière suisse de demain.

Les six tendances en bref

  • Accélération de la mise en place de processus de travail sans ruptures de médias au sein des banques
  • Demande accrue de produits et services numériques
  • Trafic des paiements de plus en plus diversifié et multidimensionnel
  • Solutions de smart working sur une trajectoire ascendante
  • Investissements croissants dans une infrastructure numérique de pointe et sécurisée
  • Intensification des efforts des autorités en vue d’une e-capacité fluide

Efficacité et sécurité ne sont pas incompatibles

Jusqu’ici, les décisions stratégiques en matière de numérisation étaient guidées surtout par le souci d’efficacité et la possibilité de développer de nouveaux modèles d’affaires. Mais depuis «l’expérience corona», la résistance aux crises est passée au premier plan. Sans doute restera-t-elle un critère décisif d’évaluation des risques dans le cadre des futurs projets de numérisation. Par exemple, lors de la crise liée au coronavirus, les solutions en nuage ont fait la preuve de leur sécurité opérationnelle y compris en situation de tension extrême, de sorte qu’elles devraient être intégrées dans les processus décisionnels stratégiques à l’avenir.

Exploiter le potentiel de la numérisation ne compromet donc pas nécessairement la sécurité. Bien au contraire, c’est la convergence de ces objectifs qui explique le caractère irréversible de la numérisation.

Des solutions de smart working rapidement mises en place

Le bon fonctionnement des systèmes a permis aux banques d’instaurer le télétravail quasiment d’un jour à l’autre. A partir du 16 mars 2020, le home office est devenu la règle pour près de 80 % du personnel bancaire.

Malgré l’assouplissement des restrictions liées à la pandémie, une grande partie des effectifs reste aujourd’hui en télétravail – et tout porte à croire que ce serait nettement moins le cas si les banques, dans ce cadre inédit, avaient trahi la confiance de leurs clients ou mal répondu aux besoins de leurs collaboratrices et collaborateurs.

Les clients suivent le mouvement

En période de crise notamment, de nombreux clients tiennent à avoir une interlocutrice ou un interlocuteur au sein de leur banque. A cet égard, on a assisté ces trois derniers mois à une augmentation des prises de contact via les canaux numériques, ce qui illustre l’adhésion des clients à ce mode de communication. Celui-ci s’est révélé digne de leur confiance. En retour, l’écho favorable ainsi obtenu a sensibilisé nombre de banques aux possibilités qu’offre le suivi des clients via les canaux numériques.

La crise liée au coronavirus a également entraîné un recours accru aux services numériques, dont les effets s’avèrent positifs. En particulier, la demande de moyens de paiement numériques a fortement augmenté. Les clients ont aussi fait de très bonnes expériences dans d’autres domaines. Dès lors, une conclusion s’impose: la demande de services financiers numériques est appelée à se renforcer.

Des conditions-cadres à améliorer

Pour permettre à la place financière suisse de poursuivre avec succès dans la voie de la numérisation, il faut investir davantage dans l’infrastructure. Les liaisons de données doivent être suffisamment sécurisées et stables pour résister à des flux en forte croissance et à des cyberattaques plus fréquentes que jamais. De même, une économie innovante et flexible ne saurait se passer d’un réseau électrique de premier ordre.

Par ailleurs, il y a lieu de renoncer systématiquement aux prescriptions de forme incompatibles avec les systèmes numériques. L’économe numérique nécessite enfin la généralisation des signatures numériques (p. ex. en utilisant la signature électronique qualifiée (SEQ)), l’introduction d’un système d’identification électronique (e-ID) reconnu par l’Etat, mais aussi une réelle familiarité de tous les acteurs avec ces nouveaux dispositifs.

«Digital first»

La stratégie «digital first» est plus que jamais appropriée pour répondre aux nouveaux besoins des clients et faire face à la concurrence croissante. Mais l’économie privée n’est pas la seule concernée. Compte tenu des expériences récentes, les institutions publiques vont devoir elles aussi intensifier leurs efforts en vue d’une e-capacité fluide.

Rédacteurs

Martin Hess
Résponsable politique économique
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