L’intelligence artificielle accélère la transformation
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Le recours à l’intelligence artificielle (IA) est en expansion rapide dans les établissements financiers: c’est la conclusion d’une étude publiée récemment par le Forum économique mondial et l’Université de Cambridge. Les résultats d’une enquête mondiale montrent que la majorité des établissements financiers utilisent déjà l’IA, principalement dans le domaine de la gestion des risques.
L’IA, un facteur clé de succès
L’étude laisse à penser que l’IA accélère la transformation numérique et sera bientôt un facteur clé de succès. Ainsi, une meilleure analyse de crédit fait espérer des rendements accrus aux gérants de fortune, tandis que les bailleurs de fonds en attendent eux aussi beaucoup. Quant aux prestataires de services de paiement, ils comptent sur une utilisation diversifiée des informations en leur possession concernant les clients pour améliorer leurs prestations.
Au vu de ces perspectives prometteuses, l’étude du Forum économique mondial prévoit que le bon grain de l’IA ne tardera pas à se séparer de l’ivraie en termes de ressources financières mobilisées. La part des établissements financiers interrogés qui voient un lien direct entre des hausses de bénéfices et le recours à l’IA augmente plus que proportionnellement par rapport aux investissements effectués en la matière.
Pour assurer leur avenir, les banques en Suisse ont donc besoin que l’écosystème de l’IA dans notre pays reste dynamique. Les entreprises technologiques déjà établies en Suisse ainsi que de nouvelles initiatives comme la Cognitive Valley, qui a vu le jour en septembre dernier, constituent un avantage compétitif et ouvrent des perspectives pour notre place financière.
Des zones d’ombre quant à l’influence de l’IA sur le paysage concurrentiel
Si l’étude du Forum économique mondial montre que l’IA est globalement bénéfique pour le secteur financier, sa lecture laisse quelques zones d’ombre en ce qui concerne les futures structures du marché. Parmi les établissements financiers interrogés, 42 % pensent que l’introduction de l’IA ne rebattra pas fondamentalement les cartes sur le terrain de la concurrence (cf. graphique 1).
Néanmoins, une partie significative d’entre eux jugent possible une disruption de la chaîne de création de valeur ou une structure quasi-monopolistique.
Les avis sont plus tranchés quant à l’évolution de l’emploi. Dans les établissements financiers traditionnels, l’IA devrait entraîner des suppressions de postes en raison de son potentiel d’automatisation. Dans les entreprises Fintech en revanche, les créations d’emplois devraient être nombreuses.
Des impacts nuancés sur le risque
Les technologies innovantes ne sont jamais dénuées de risques. C’est vrai aussi de l’IA, alors même que les établissements financiers l’utilisent précisément pour réduire les incertitudes. En toute logique, il ressort de l’étude du Forum économique mondial que l’IA devrait réduire les risques dans les domaines du trafic des paiements, des opérations de crédit et de la gestion de fortune (cf. graphique 2). Les établissements financiers interrogés anticipent par exemple une baisse de 10 % des défaillances de crédit grâce au recours à l’IA pour les décisions de crédit, et ce à brève échéance. L’infrastructure est le seul domaine dans lequel l’IA devrait accroître les risques pour les entreprises.
La contribution de l’IA à la réduction des risques dans les différents établissements bancaires ne doit toutefois pas être généralisée au secteur dans son ensemble. Selon les établissements financiers interrogés, l’introduction de l’IA entraînera un accroissement des risques dans des domaines très divers: cybersécurité, dépendance par rapport aux grands prestataires de services technologiques, ou encore, en ce qui concerne les risques liés aux données, discrimination des clients ou violation de la sphère privée.
Une demande croissante de réglementation
Le succès de l’IA dépendra de l’adhésion des clients et de leur conviction que cette technologie apporte une valeur ajoutée. En Suisse, la branche et les autorités n’ont donc d’autre choix que de gérer les nouveaux risques inhérents à l’IA. A l’échelon international, la question de savoir comment réglementer l’IA fait actuellement l’objet de vifs débats. La Commission européenne vient de publier son Livre blanc sur l’intelligence artificielle.
Globalement, l’approche européenne en la matière vise à stimuler la capacité d’innovation de l’Europe. Pour des motifs de politique sociétale en particulier, l’accent est mis sur une IA éthique et digne de confiance. Compte tenu notamment du Règlement général sur la protection des données, l’Union européenne (UE) et quelques-uns de ses Etats membres plaident en faveur d’une réglementation contraignante pour atteindre ces objectifs, alors que d’autres pays comme les Etats-Unis soulignent les risques qu’une réglementation excessive ou trop stricte ferait peser sur le potentiel d’innovation.
Réglementer l’IA est-il de nature à accélérer ou à freiner l’introduction de cette technologie? Même l’étude du Forum économique mondial ne permet pas de trancher. Environ 40 % des établissements financiers interrogés considèrent que la réglementation existante entrave le déploiement de l’IA, tandis que plus de 30 % d’entre eux pensent qu’elle le favorise. Sans surprise, les participants chinois à l’enquête se montrent plus positifs quant aux effets de la réglementation que leurs homologues américains ou européens.
Le Conseil fédéral focalisé sur l’essentiel
Que fait la Suisse «officielle»? Dans son rapport sur l’intelligence artificielle, le Conseil fédéral constate que le secteur financier est plus réglementé que beaucoup d’autres branches. Selon lui, la probabilité que les applications d’une nouvelle technologie soient en contradiction avec la réglementation en vigueur ou doivent s’y adapter est donc plus élevée. Il en résulte que l’utilisation de l’IA dans la finance doit être suivie de plus près que dans d’autres secteurs économiques. C’est ce que fait l’Association suisse des banquiers, très impliquée à cet égard, en contribuant à une utilisation fluide et sûre de l’IA.
Pour autant, le Conseil fédéral ne juge pas nécessaire de prendre des mesures immédiates. Heureusement fidèle à son credo selon lequel la réglementation doit être neutre sur le plan technologique, il n’envisage pas pour l’heure une modification de la réglementation des marchés financiers ciblant spécifiquement l’IA. En outre, il compte traiter les questions qui se feront jour dans le cadre des révisions ordinaires de la réglementation, ce qui mérite d’être salué. Ce pragmatisme est le garant des conditions favorables qu’offre la Suisse aux établissements financiers axés sur la technologie.
Les résultats pour convaincre
C’est donc aux établissements financiers qu’il revient de veiller à ce que le potentiel de l’IA soit réellement exploité. Selon l’étude du Forum économique mondial, les obstacles principaux à un déploiement réussi sont la disponibilité et la qualité des données destinées à alimenter les algorithmes, l’existence de compétences spécialisées ainsi que l’adhésion et la confiance des clients. Mais il en va de l’IA comme de tous les autres produits et services: c’est sa valeur ajoutée qui emportera la conviction des clients. Si tel est le cas, la place financière suisse aura toutes les cartes en main pour relever les défis de l’IA.