Opinions
25.06.2020

Les banques en Suisse: solides malgré la crise

Le Rapport sur la stabilité financière de la BNS attribue de bonnes notes aux banques en Suisse. Leurs importantes réserves en capital leur permettront de surmonter les répercussions de la crise du coronavirus, mêmes si elles s'avèrent très négatives. Cependant, le défi à long terme reste la rentabilité.
Article deMartin Hess

De bonnes nouvelles de la part de la Banque nationale. Dans son rapport annuel sur la stabilité financière, elle a attesté la semaine dernière que les grandes banques et les banques orientées vers le marché domestique résisteront bien à la crise.

Une résilience élevée grâce à leur dotation en fonds propres...

Une des conséquences directes de la crise du coronavirus devrait être une multiplication des défaillances dans le domaine des crédits aux entreprises. Selon la BNS, les banques pourront y faire face grâce à leurs importantes réserves en capital propres. Leurs réserves substantielles leur permettraient, d’après les tests de résistance, d’amortir l’impact d’évolutions encore plus défavorables que celles prévues dans le scénario de base.

La BNS indique qu’un effondrement des prix de l’immobilier résidentiel dû à la crise pourrait entraîner une forte détérioration du portefeuille hypothécaire des banques. Toutefois, même dans un scénario très négatif pour l’économie réelle, les effets sur la solvabilitédes banques orientées vers le marché domestique resteraient limités.

 

Globalement, la BNS épaule les banques en soulignant le rôle clé du renforcement du capital effectué après la crise financière.

... mais des défis à relever en termes de rentabilité

Comme il faut s’y attendre en cas de forte récession de ce type, le recul prévisible de l’activité des banques devrait en plus peser sur leur rentabilité. Dans ce contexte d’intensité concurrentielle accrue et de baisse des prix et des taux d’intérêt, les banques ayant une forte activité dans le domaine des prêts hypothécaires devraient être particulièrement affectées par une nouvelle diminution de leur marge d’intérêt.

Une éventuelle correction des prix des valeurs mobilières diminuerait par ailleurs la valeur des actifs sous gestion. L’incertitude qui en résulterait pourrait également réduire la demande de transactions au niveau des clients et sur les marchés des capitaux. Cela impliquerait un recul des produits générés dans le domaine de la gestion de fortune et de l’Investment Banking et réduirait encore plus la rentabilité des banques.

Globalement, la BNS se montre inquiète dans l’analyse de leur faible rentabilité, qui a également fait l’objet d’une analyse comparable du FMI. Dans son Global Financial Stability Report, le FMI se montre préoccupé par le fait que les banques d’Europe continentale et du Japon parviennent à peine à assurer la couverture du coût du capital, contrairement à leurs concurrents anglo-saxons (voir le graphique)

 

Ce serait un obstacle au renforcement du capital et réduirait la résistance des établissements bancaires. Le FMI est particulièrement préoccupé par le fait qu’aucune amélioration du contexte actuel susceptible de se traduire par une augmentation de la rentabilité ne se profile dans un proche avenir.

Prise en compte des risques climatiques, les autres sources de risque sont ignorées

Un élément réjouissant dans le rapport annuel de la BNS sur la stabilité financière est qu’il présente une analyse élargie et plus systématique des différents types de risques. La BNS consacre même un paragraphe aux risques climatiques. Elle tient ainsi déjà compte de certaines exigences posées à la loi sur le CO2 entièrement révisée qui se trouve actuellement en consultation.

Dans d’autres domaines, l’analyse de la BNS se révèle toutefois trop succincte. L’Association suisse des banquiers déplorait déjà l’an dernier dans un document de discussion la focalisation trop étroite de l’analyse qui se concentre exclusivement sur les banques dans l’environnement actuel. La BNS se base sur l’expérience acquise lors des crises financières précédentes pour définir les priorités du rapport de stabilité. C’est insuffisant.

En très peu de temps, les évolutions du marché et le développement des technologies ont fait apparaître de nouvelles sources de risque systémique. Les répercussions éventuelles sur la stabilité qui sont dues aux non-banques, aux cybermenaces et aux cryptomonnaies ne sont pas évoquées dans l’édition de cette année du rapport sur la stabilité. Par exemple, le rôle que jouent les caisses de pension et les assurances sur le marché hypothécaire n’est pas mis en lumière. En comparaison avec le rapport de l’année dernière qui évoquait la rapide croissance de l’activité des non-banques, c’est même un pas en arrière. Il manque donc dans le rapport des éléments importants permettant de comprendre pourquoi le marché hypothécaire serait déséquilibré.

Un atout pour l’attractivité de la Suisse

Précisément dans un monde où la volatilité est de plus en plus forte, la stabilité financière est plus que jamais un atout pour la place financière suisse. Le fait que la crise du coronavirus ne devrait pas poser de sérieux risques de stabilité aux banques en Suisse le montre de manière éclatante. Pour remplir son mandat consistant à garantir la stabilité du système financier, la BNS devrait analyser toutes les sources de risques potentiellement pertinentes actuellement et dans un proche avenir. Leur prise en compte est indispensable pour une politique de stabilité ciblée. Cet effort permettra de renforcer la réputation et l’attractivité de la place financière suisse. 

Rédacteurs

Martin Hess
Résponsable politique économique
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