Cas Credit Suisse: une resolution aurait pu fonctionner
Les mesures de resolution concernant Credit Suisse auraient pu fonctionner, mais il reste beaucoup à faire pour améliorer la réglementation et la surveillance. Telle est la conclusion des rapports du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (CBCB) et du Conseil de stabilité financière (CSF) concernant la reprise de Credit Suisse.
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Cet été, le monde de la finance s’est employé à analyser à l’échelon national la reprise de Credit Suisse par UBS. L’avis juridique du Professeur M. Ammann et le rapport du groupe d’expert.e.s «Stabilité des banques» sont unanimes pour dire que les exigences en matière de fonds propres et de liquidités, qui constituent les deux premiers piliers de la réglementation TBTF, ont eu un effet positif. Ils se montrent plus critiques en revanche quant au troisième pilier, à savoir les mesures dites de resolution. Si le Professeur Ammann juge ces dernières «insuffisantes», le groupe d’expert.e.s se borne à constater un manque de flexibilité.
Courant octobre, des instances internationales ont fait connaître à leur tour leur vision des choses concernant le cas Credit Suisse. A l’issue de son analyse provisoire, le CSF conclut étonnamment qu’une resolution aurait tout à fait fonctionné. Selon lui, les mesures prévues étaient adéquates et les ressources destinées à absorber les pertes suffisaient. Les arguments déterminants plaidant contre le choix d’une resolution ont été les pertes susceptibles d’en résulter pour les actionnaires et les créanciers obligataires, les incertitudes quant à l’acceptation d’une entité recapitalisée autonome par le marché et la clientèle, ainsi que d’autres risques, notamment au niveau des mécanismes de bail-in. Le CSF rappelle également que selon la FINMA, les mesures de resolution devaient intervenir à titre subsidiaire par rapport à d’autres mesures produisant le même effet stabilisateur.
Sur la base de cette analyse provisoire, le CSF entend à présent examiner en détail les problématiques identifiées, afin de rendre plus robuste l’éventuelle resolution d’une banque d’importance systémique. Concrètement, il s’agit de mener des travaux visant en particulier à assurer l’efficacité du mécanisme public de garantie des liquidités (public liquidity backstop), à améliorer l’utilisation et la reconnaissance transfrontalière du capital bail-in, ainsi qu’à définir des mesures de coordination et de communication en cas de resolution.
Le rapport du CBCB se penche quant à lui sur la question de savoir comment il a été possible que Credit Suisse, bien qu’en difficulté, reste si longtemps conforme aux exigences réglementaires concernant la dotation en liquidités. Le CBCB se demande par exemple si le ratio de financement (NSFR) remplit vraiment son rôle d’indicateur de l’inadéquation structurelle des liquidités, en particulier au sein des banques soumises à une crise des liquidités «à évolution lente». Le calibrage est défini selon lui pour un niveau de sorties de liquidités qui n’était pas celui de Credit Suisse. Le CBCB constate par ailleurs que les actifs liquides de haute qualité (HQLA) détenus par Credit Suisse étaient réservés en grande partie à d’autres usages que la couverture réglementaire des sorties de liquidités dans le cadre d’un scénario de crise sur trente jours. Cela amène selon lui à s’interroger sur les modalités et la mise en œuvre des exigences en matière de liquidités. Le CBCB aboutit à la conclusion quelque peu décourageante que les prescriptions en matière de liquidités ne peuvent pas à elles seules prévenir toutes les difficultés – surtout à une époque où, grâce à divers outils numériques, la facilité d’accès aux informations et aux services bancaires est la règle.
L’Association suisse des banquiers (ASB) prend acte des rapports du CBCB et du CSF et considère qu’ils apportent des éclairages très pertinents pour les analyses et les clarifications à venir. Elle reste favorable à des adaptations ciblées et efficaces du cadre prudentiel, qui intègrent les leçons concrètes tirées du cas Credit Suisse. L’objectif d’un renforcement accru de la résilience ne doit pas être perdu de vue. L’ASB continuera de participer à ces travaux dans un esprit constructif et, en tant que représentante du secteur bancaire tout entier, elle fera entendre sa voix dans le débat réglementaire et politique.