La réglementation climatique doit être coordonnée
La Suisse a ratifié l’Accord de Paris sur le climat et édicté diverses réglementations pour le mettre en œuvre. L’économie est particulièrement concernée par la loi fédérale sur les objectifs en matière de protection du climat, sur l’innovation et sur le renforcement de la sécurité énergétique (LCI), par la loi fédérale sur la réduction des émissions de CO2 (loi sur le CO2) ainsi que par l’ordonnance relative au rapport sur les questions climatiques. Nous verrons si la réglementation existante produit les effets souhaités. Du point de vue des banques, il est essentiel de viser des solutions congruentes.
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En ratifiant l’Accord de Paris sur le climat le 6 octobre 2017, la Suisse s’est engagée à poursuivre l’objectif de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 50 % par rapport à 1990 d’ici à 2030. Elle a annoncé en outre vouloir atteindre zéro émission nette d’ici à 2050. En d’autres termes, elle n’émettra pas plus de gaz à effet de serre que les puits de carbone naturels (p. ex. les forêts) ou les systèmes techniques (p. ex. les technologies de captage du carbone) ne peuvent en absorber. Ces objectifs constituent la référence sur laquelle la Suisse axe sa réglementation climatique. Pour la place financière, c’est avant tout l’article 2.1c de l’Accord de Paris qui est pertinent, en vertu duquel les flux financiers doivent être rendus compatibles avec les objectifs mondiaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Le rôle central de la LCI et de la loi sur le CO2
La LCI, qui est en Suisse la loi-cadre en ce qui concerne les objectifs climatiques, dispose que la Suisse doit atteindre la neutralité climatique (bilan carbone ramené à zéro) d’ici à 2050. Elle fixe des objectifs ainsi que des objectifs intermédiaires en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et entend faire en sorte que les capitaux soient investis de manière plus respectueuse du climat. Les obligations qu’elle prescrit valent aussi pour la place financière. La Confédération peut conclure des accords avec des banques, des entreprises d’assurance et des caisses de pension afin de définir des objectifs et des mesures concrets. Dans ce contexte, la loi sur le CO2 a pour but la réalisation des objectifs fixés dans la LCI. Pour la période postérieure à 2024, elle entend contribuer à ce que la Suisse puisse atteindre son objectif de zéro émission nette d’ici à 2050 et assurer son approvisionnement énergétique.
Quant à l’ordonnance relative au rapport sur les questions climatiques, elle oblige les entreprises à rendre compte de l’impact du changement climatique sur elles-mêmes et de l’impact de leur activité sur le changement climatique («double matérialité»). Elle s’appuie sur les recommandations de la Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD), coordonnée à l’échelon international, et prévoit notamment la mise en œuvre de plans de transition comparables aux objectifs climatiques de la Suisse. L’accent est donc mis là encore sur les objectifs et les dispositions de la LCI et de la loi révisée sur le CO2 résultant de l’Accord de Paris. En outre, depuis 2021, la Circ.-FINMA 2016/1 «Publication – Banques» oblige les établissements relevant des catégories de surveillance 1 et 2 à publier leurs risques financiers liés au climat conformément aux recommandations de la TCFD.
Une réglementation coordonnée pour l’économie réelle et l’économie financière
L’économie réelle et l’économie financière fonctionnent en interaction, y compris lorsqu’il s’agit de contribuer à la transition climatique et donc aux objectifs climatiques. Les banques ont à cet égard un rôle considérable à jouer. Selon une étude sur les besoins en investissement et financement pour la neutralité climatique de la Suisse d’ici 2050, réalisée par l’ASB et le Boston Consulting Group (BCG) en 2021, plus de 90 % des investissements nécessaires sont finançables via l’offre traditionnelle des banques.
Toutefois, les établissements financiers agissent en tant que simples intermédiaires, qui axent leurs offres et leurs prestations sur la durabilité tout en étant à même de conseiller et d’informer leur clientèle à ce sujet. C’est cette dernière qui décide de la manière dont ses fonds seront investis, les établissements financiers ne font que mettre en œuvre ces décisions. Pour qu’ils puissent atteindre leurs objectifs climatiques, il faut donc que les choses changent aussi au niveau de la clientèle.
C’est pourquoi il est essentiel que les objectifs climatiques et les horizons temporels soient les mêmes pour tous les acteurs de l’économie réelle et financière, c’est-à-dire que la réglementation soit coordonnée. A défaut, on aboutira à des conflits d’objectifs. Si le secteur financier était soumis à une réglementation climatique spécifique, imposant par exemple des plans de transition accélérés pour les flux financiers, il risquerait de se voir attribuer le rôle d’une «police climatique» – notamment en cas d’interdiction ou de fortes restrictions du financement d’activités juridiquement autorisées. Or les banques ne peuvent pas et ne veulent pas assumer ce rôle.
Les effets de la réglementation existante encore incertains
Le cadre réglementaire mis en place en Suisse en matière climatique est encore trop récent pour déployer pleinement ses effets. La LCI, approuvée l’année dernière par les électrices et les électeurs suisses, entrera en vigueur le 1er janvier 2025. La consultation sur l’ordonnance sur la protection du climat, qui met en œuvre la LCI, s’est terminée le 1er mai 2024. De même, la loi révisée sur le CO2 n’a achevé son parcours parlementaire que lors de cette session de printemps et l’ordonnance relative au rapport sur les questions climatiques vient d’entrer en vigueur en janvier dernier. Les premières publications auront lieu en 2025. Alors seulement, on verra quelles sont les éventuelles lacunes de la réglementation et en quoi elle produit déjà les effets souhaités.
Les banques ont soutenu jusqu’à présent les diverses mesures prises et elles continueront de jouer le rôle qui leur revient en tant qu’intermédiaires financiers dans la lutte contre le changement climatique. Selon l’ASB, il est important de laisser suffisamment de temps à la réglementation existante pour qu’elle déploie ses effets. Il convient en outre de tenir compte des conditions-cadres existantes pour élaborer les futures mesures réglementaires ainsi que de coordonner leurs exigences avec l’ensemble de l’économie.