«Pour atteindre le but, il faut avancer ensemble»
Roger Wisler, chef du département Open Banking à la Zürcher Kantonalbank, préside le groupe de travail Open Banking de l’Association suisse des banquiers (ASB). Dans cet entretien, il retrace les récentes évolutions observées en Suisse en matière d’open finance et donne un aperçu de ce qui pourrait advenir ces prochains mois.
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Monsieur Wisler, on parle beaucoup d’open finance sur la place financière. De quoi s’agit-il et quel rôle joue désormais l’open finance en Suisse?
Roger Wisler. Fondamentalement, l’open finance vise à proposer des innovations numériques à la clientèle. Elle consiste à mettre en réseau des données, des fonctions et des services entre des banques et des prestataires de services financiers d’une part, des prestataires tiers d’autre part. En matière d’open finance, la Suisse suit une approche fondée sur l’économie de marché. Cela a donné naissance à des organisations sectorielles, comme par exemple l’OpenWealth Association, qui développent des applications et des normes. On verra si c’est suffisant. Quoi qu’il en soit, compte tenu de cette évolution, le secteur financier suisse est plus ou moins contraint de mener une réflexion stratégique sur la question.
Qu’entendez-vous par là?
En février dernier, le Conseil fédéral a publié un rapport sur la finance numérique où il définit des champs d’action pour les années à venir. Dans ce rapport, il dit suivre de près les évolutions en matière d’open finance. L’objectif politique est qu’à l’échelon international, la place financière suisse se positionne encore davantage comme un pôle innovant et durable en matière de services financiers. En d’autres termes: les autorités attendent de la branche davantage de résultats et davantage de progrès dans le domaine des modèles d’affaires ouverts – en prenant suffisamment en compte, comme c’est le cas sur d’autres marchés financiers, les intérêts de la clientèle ainsi que ceux des investisseuses et des investisseurs.
Comment se présente la situation du point de vue des banques?
Elle est globalement favorable. L’ASB considère elle aussi que l’ouverture fondée sur le marché, basée sur les besoins de la clientèle et sur des applications claires, promet des résultats plus durables et plus efficaces qu’une ouverture fondée sur des prescriptions réglementaires.
Pourriez-vous donner des exemples concrets de ces applications?
Imaginez par exemple que vous souhaitiez acheter une maison ou un quelconque bien immobilier. Trouver l’objet adéquat, c’est aujourd’hui plus facile grâce aux multiples plateformes immobilières. Mais obtenir une offre ferme d’hypothèque, en général, cela prend du temps. Chaque établissement financier propose des solutions spécifiques et mène un entretien de conseil personnalisé avec le client concerné. Ce dernier doit fournir divers documents. De même, chaque établissement examine la situation financière du client et évalue en particulier la localisation du bien ainsi que son état. Dans ce contexte, l’open banking peut être une solution intéressante en permettant – à la demande du client – de rendre accessibles ou de communiquer des données bancaires à d’autres acteurs concernés. Par ailleurs, les établissements financiers peuvent aussi coopérer à des plateformes immobilières pour proposer directement des offres de financement à leur clientèle potentielle.
D’autres exemples?
Grâce à l’open banking et toujours à la demande du client, on peut mettre des données de compte ou de transaction à la disposition de prestataires tiers qui développent des logiciels, par exemple des FinTech ou des WealthTech, comme c’est déjà le cas pour les logiciels financiers. En outre, dans le cadre du multibanking, les banques peuvent intégrer une autre relation bancaire ainsi que les comptes ouverts auprès de banques tierces dans leur propre e-banking. Lorsqu’on étend les modèles d’affaires à l’open finance, cela concerne aussi d’autres établissements financiers comme les entreprises d’assurance, les institutions de prévoyance et les caisses de pension.
Pouvez-vous préciser en quoi consiste l’approche multibanking?
Le multibanking permet à la clientèle des banques de gérer plusieurs comptes sur une seule plateforme, notamment via l’application de mobile banking ou l’e-banking de la banque principale. D’un point de vue technique, le multibanking est une application de l’open banking, dans laquelle on utilise des interfaces de programmation d’application – les fameuses API – pour compiler efficacement des données provenant de différents établissements. Les fonctions varient selon l’étendue de l’application de multibanking concernée. Elles permettent par exemple de consulter le solde d’un compte et les données de transaction correspondantes, ou instructions de paiement pour les comptes de tiers.
Quelle est l’évolution attendue au sein du secteur bancaire suisse?
L’Institut für Finanzdienstleistungen Zug (IFZ) a analysé le marché suisse dans son étude 2022 sur l’open banking. Dans ce cadre, il a réalisé une enquête et demandé à plus d’une trentaine de banques de détail si elles avaient mis en place des API avec des prestataires tiers ou prévoyaient de le faire dans les prochaines années. Il en ressort que la majorité des établissements interrogés ont déjà procédé à cette ouverture ou la préparent. Donc on avance. C’est d’ailleurs ce que nous observons au sein du groupe de travail de l’ASB.
Innover pour innover, cela n’a guère de sens. Existe-il un marché pour ces nouvelles solutions, celles-ci répondent-elles à un besoin de la clientèle?
Oui, car les modèles d’affaires reposant sur l’open banking contribuent à une expérience client positive. Ainsi, les clientes et les clients ont souvent affaire à de nombreux prestataires de services financiers en même temps – par exemple banques, entreprises d’assurance, caisses de pension, FinTechs ou prestataires extérieurs à la branche. Simplifier les processus et interconnecter ces acteurs au sein d’un écosystème est donc indéniablement dans l’intérêt de la clientèle, qui bénéficie ainsi d’une valeur ajoutée.
Quelles sont les coopérations existantes à ce jour?
Il y en a quelques-unes. La banque qui m’emploie, la Zürcher Kantonalbank, s’engage par exemple activement dans la standardisation des API sur la place financière suisse. Les groupes de travail au sein de Swiss Fintech Innovations ou de l’OpenWealth Association élaborent des applications d’open finance, de manière à pouvoir concrétiser des solutions. Pour atteindre le but, il faut que tous les partenaires avancent ensemble.
Pour terminer, une question cruciale aux yeux de la clientèle: dans quelle mesure ces échanges de données avec des tiers sont-ils sûrs?
Ils sont très sûrs. En effet, ils passent par les API, c’est-à-dire les interfaces standardisées dont je viens de parler, qui permettent de contrôler les données de la clientèle et de les transférer aux prestataires tiers en toute sécurité et efficacité. Mettre en œuvre des technologies capables de garantir la confidentialité et la sécurité des données est indispensable en matière d’open banking.
(Cet entretien a été réalisé dans le sillage d’un blog posté sur le site de la Zürcher Kantonalbank (www.zkb.ch/blog) en octobre 2022.)