«Qui a tenu le premier rôle en 2024?»
La place financière suisse a traversé l’année 2024 entre stabilité et critique. Parmi les marqueurs des douze derniers mois figurent les séquelles de la chute de Credit Suisse, les reproches quant aux lacunes en matière de sanctions, la pression réglementaire croissante. Pourtant, le secteur bancaire s’est montré solide, explique Martin Hess, Responsable Politique économique à l’Association suisse des banquiers (ASB), avant d’évoquer les perspectives pour 2025.
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Martin, imaginons que l’on tourne un film sur la place financière en 2024 – quel en serait le titre? Et qui tiendrait le premier rôle : la stabilité, l’innovation ou la réglementation?
J’ai vu des reportages sur l’America’s Cup cet automne et le titre qui me vient spontanément à l’esprit, c’est le slogan de cette course : « There is no second ». En d’autres termes, il ne peut y avoir qu’un seul vainqueur et, pour en revenir aux banques, ce vainqueur doit être la clientèle.
Et comme les bateaux engagés dans l’America’s Cup, les banques doivent être stables, innovantes et conformes à la réglementation.
Les bateaux volent désormais. Cette innovation qui leur permet d’accélérer en prenant de la hauteur, j’aimerais qu’elle existe aussi pour les clientes et les clients des banques. Mais la stabilité est essentielle. Les plus brillantes innovations ne servent à rien en cas de naufrage. Et les règles ne doivent pas être plus sévères pour le bateau suisse que pour ses concurrents. Sinon, autant rester au port.
La chute de Credit Suisse a été le grand scénario dramatique de l’année dernière. Mais pour faire un bon scénario, il faut un rebondissement. Selon toi, où se situe le tournant pour la place financière suisse et qu’est-ce qui a aidé la branche à reprendre de l’élan?
Pour filer la métaphore de la voile, le bateau Credit Suisse a tout simplement mal réglé son allure en choisissant le vent de face, alors que l’allure au travers est la plus portante. Mais la stabilité et la capacité d’innovation de toutes les autres banques en Suisse restent impressionnantes. Un changement de cap radical de la flotte suisse, qui ralentirait beaucoup son élan, n’est donc pas nécessaire. Ce qui fait les champions, ce sont des ajustements bien anticipés, bien ciblés, sur la base de cartes et de données météo précises.
Les résultats du Baromètre bancaire sont réputés être le véritable pulsomètre du secteur bancaire suisse. Y a-t-il des chiffres qui t'ont particulièrement surpris, de manière positive ou négative?
Il est réjouissant de voir que malgré un contexte économique et géopolitique difficile, les banques sont parvenues à accroître leur résultat consolidé. En 2023, l’impulsion était venue des opérations d’intérêts. Cette année, ce sont les produits des taxes et des commissions issues des opérations de placement qui devraient compenser les difficultés rencontrées sur le front des taux d’intérêt. Cela démontre une fois de plus les avantages d’un grand secteur bancaire bien diversifié.
Numérisation et IA – les banques doivent rester en forme pour affronter l’avenir. Quel « programme d’entraînement » leur conseilles-tu de suivre en 2025?
Selon moi, il y a deux conditions clés pour pouvoir relever ces défis technologiques. D’une part, les banques qui maîtrisent leurs coûts sont mieux à même de préparer l’avenir sur le plan technologique et d’investir. D’autre part, il faut avoir des connaissances approfondies sur les possibilités et les risques inhérents aux nouvelles technologies. Faute de quoi les décisions tournées vers l’avenir sont sacrifiées au profit d’une stratégie financière et juridique globale d’évitement des risques.
Quelle est la question à laquelle tu aimerais répondre, mais qui ne t'a jamais été posée?
Celle de savoir si le bitcoin, après avoir franchi allègrement la barre des USD 100 000, franchira aussi celle des USD 200 000. Je répondrais « oui » sans prendre trop de risques. Le moment venu, je rappellerai publiquement ma prévision et d’ici là, je laisse venir. Ce comportement explique que la plupart des prévisionnistes ne se trompent pas, bien que les anticipations de rendement soient très difficiles.
Le Bank-Buzzword bingo 2025 de Martin Hess
Opportunité numéro 1 : la numérisation
Un must. Le big bang n’est sans doute pas pour 2025, mais nous devrions observer des progrès considérables dans quelques banques.
Mot de l’année 2025 : résilience
La résilience est idéologiquement non connotée, c’est un concept positif et chaque personne en a une représentation un peu différente. L’idéal pour que ce mot soit sur toutes les lèvres.
Quel est ton conseil personnel pour les clientes et les clients des banques ?
Indépendamment de ma prévision sans horizon précis concernant le bitcoin (voir ci-dessus), je n’ai qu’une recommandation à formuler : s’adresser à sa conseillère ou à son conseiller à la clientèle.