Opinions
27.06.2023

La reprise de Credit Suisse par UBS démontre la solidité de la place financière suisse  

«L’intervention rapide des autorités suisses et d’UBS a certainement évité une contagion», déclare Marcel Rohner, président de l’ASB, au sujet de la reprise de Credit Suisse. 

Article de Marcel Rohner

Cette interview a été menée par finance.swiss et publiée le 22 mai 2023.

Silicon Valley Bank, Credit Suisse, et plus récemment la First Republic Bank – autant de banques qu’il a fallu sauver pour éviter leur débâcle. Aux Etats-Unis, la rumeur court que d’autres établissements seraient également en danger. Peut-on néanmoins, selon vous, affirmer qu’une crise financière mondiale a été évitée?

Marcel Rohner: Le système financer est bel et bien marqué par de fortes tensions à la suite de la hausse des taux d’intérêt. Nous avons vu le spectre d’une crise d’instabilité financière émerger aux Etats-Unis, puis se propager lentement au reste du monde. Dans ce contexte, l’intervention rapide des autorités suisses et d’UBS a certainement évité une contagion, qui aurait pu aboutir à une grave perturbation du système financier, voire entraîner une crise financière mondiale.

Après les événements de la semaine passée, d’aucuns remettent en question l’utilité des grandes banques mondiales, surtout dans un petit pays comme la Suisse. Qu’en dites-vous en tant que président de l’Association Suisse des Banquiers et ancien CEO d’UBS? Pourquoi la Suisse a-t-elle encore besoin de grandes banques?

Les établissements financiers mondiaux proposent de nombreux services, qui sont fort pertinents pour les entreprises internationales. En tant que pays exportateur, nous ne voulons pas que les sociétés de Suisse dépendent entièrement d’institutions financières mondiales à l’étranger qui proposent le même genre de services. Par ailleurs, un établissement financier d’envergure mondiale comme UBS propose également des services essentiels pour le reste du système bancaire. Enfin, n’oublions pas qu’il s’agit d’une institution particulièrement importante aux yeux du reste du monde, un symbole de la puissance et du rayonnement de la place financière suisse.

Certains acteurs du monde politique réclament aujourd’hui de nouvelles réglementations pour éviter une future crise bancaire. Etes-vous d’accord?

Nous prenons ces préoccupations très au sérieux. Il est tout à fait normal qu’après une telle secousse, des questions surgissent quant à la possibilité et à la manière d’éviter ces choses à l’avenir. Cela dit, nous sommes convaincus qu’il faut d’abord bien comprendre ce qui s’est passé – en particulier en octobre 20222, lors de la première phase de retraits massifs d’argent par la clientèle – et bien sûr dans les jours et semaines de mars, qui se sont finalement soldés par ce rachat en urgence. Seule une analyse détaillée et une compréhension précise du déroulement des événements nous permettront d’en tirer les conclusions qui s’imposent afin de modifier la réglementation le cas échéant.

Aux lendemains de la reprise de Credit Suisse par UBS, une grande incertitude s’est manifestée quant au sort de la place financière suisse. Est-elle encore compétitive à l’échelle internationale?

Sur les 239 établissements financiers de Suisse, un seul a eu un problème. Les 238 autres prospèrent, affichent une santé insolente et fournissent à leur clientèle les meilleurs des services, soutenant aisément la concurrence internationale. J’ai donc la certitude que le fondement du succès de la place financière suisse est toujours bien là et qu’il subsistera. Ces établissements continueront ainsi de prospérer. Autre aspect, et de taille: la reprise de Credit Suisse par UBS a démontré la solidité de la place financière suisse – forte d’un établissement ayant les capacités pour cela ainsi que d’autorités et d’un gouvernement menant une action rapide et efficace pour parvenir à cette solution en l’espace de quelques jours seulement.

Au vu notamment de l’interconnexion internationale manifeste dans le secteur bancaire, il y a une volonté internationale de coopération plus étroite. Quelles mesures la place financière suisse est-elle disposée à prendre pour aller dans ce sens?

Eh bien, nous sommes un chef de file mondial dans la gestion de fortune transfrontalière. De ce fait, nous sommes en étroite relation avec tous les établissements qui exercent sur le plan international. Depuis toujours, nous préconisons des conditions équitables, ce qui signifie concrètement que les mêmes règles s’appliquent aux mêmes entités, partout dans le monde. Et nous continuons sur cette voie. Nous préconisons également des relations favorables avec l’Union européenne, des marchés ouverts et le libre-échange qui, à nos yeux, constituent la base de la prospérité pour toutes les économies. Nous maintiendrons notre ligne de conduite par tous les moyens et sur tous les canaux à notre disposition. Enfin, notons que nos autorités réglementaires siègent également dans des organes compétents en matière de réglementation internationale, du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire au Conseil de stabilité financière. Je pense d’ailleurs qu’avec la prise de conscience imposée par ce que nous avons vécu, la Suisse peut largement contribuer au développement de la réglementation internationale sur les questions de stabilité financière.

Si nous regardons vers l’avenir, où en sera la place financière suisse dans cinq ans?

Nous mettons tout en œuvre pour poursuivre sa croissance. Nous nous engageons à la préparer pour l’avenir. Nous nous employons à devenir un chef de file de la finance durable. Nous travaillons sur la numérisation. Nous menons de nombreux projets innovants. Entre tout ceci et notre tradition en tant que place digne de confiance dotée d’une structure légale saine et d’experts hautement qualifiés, nous pourrons continuer de nous développer avec succès.

 Monsieur Rohner, merci d’avoir partagé vos réflexions avec nous.

Merci.

InsightPolitique

Rédacteurs

Marcel Rohner
Président